La période la plus critique pour un joueur de tennis de haut niveau arrive, ce n’est un secret pour personne, vers 18 ans. Il est alors confronté à un choix qui l’engagera pour toute la vie, celui entre une carrière sportive professionnelle et les études. Une possibilité existe pourtant de combiner les deux : traverser l’Atlantique et faire ses études dans une université américaine. Si le système éducatif belge privilégie la tête bien pleine au corps bien fait, il en va tout autrement aux Etats-Unis. Le sport y est presque élevé au rang de religion et la plupart des jeunes en pratique au moins un. Depuis les plus jeunes classes, tout est mis en place pour offrir aux jeunes des conditions d’entraînement performantes. Dans les universités, les infrastructures sportives atteignent le niveau des clubs professionnels européens. Bien entendu, le souci des facultés n’est pas uniquement de préserver la santé de leurs étudiants. Le sport, comme dans nos contrées, est une affaire plus que rentable. Si chez nous, les clubs professionnels ont la cote, les Américains s’intéressent souvent plus aux résultats de leur ancienne université. Ils payent pour venir voir les matchs et les casquettes, blousons, fanions et autres mascottes se vendent comme des petits pains. Les équipes des sports les plus populaires rapportent parfois plus de dix millions de dollars par an à l’université et elles jouent parfois dans des stades de près de 100.000 places (plus grands que le Stade de France). Popularité et publicitéCet engouement attire également les télévisions. Même ESPN, la grande chaine sportive nationale, présente couramment des rencontres universitaires de basket-ball, baseball ou football américain. Enfin, cette médiatisation des meilleures équipes n’est pas sans conséquences sur le nombre d’inscrits. Certaines universités sont réputées aux quatre coins du pays pour leurs résultats sportifs et attirent grâce à cette publicité, des centaines voire des milliers d’étudiants américains et étrangers. Quand on sait que les droits d’inscriptions peuvent atteindre les cinquante mille dollars annuels, on comprend mieux que les dirigeants des universités apportent une attention toute particulière à leur « vitrine ». Ainsi, les « scouts » parcourent le pays pour rechercher la perle rare, le jeune pétri de talent dans une discipline sportive et qui pourra améliorer la notoriété de l’université. Les recherches s’étendent même sur d’autres continents : essentiellement l’Amérique du sud, l’Europe et certaines régions d’Asie. Si les recruteurs tombent sur un très bon joueur, ils peuvent lui proposer une bourse complète comprenant, outre le droit d’inscription, le logement, la nourriture, les équipements sportifs, l’entraînement, le suivi médical et tous les déplacements lors des compétitions. Pour autant, les étudiants-sportifs ne sont pas considérés comme un produit. Tout est mis en place pour qu’ils se sentent le mieux possible. La semaine de cours ne dépasse que rarement les quinze heures (auxquelles il faut ajouter une dizaine d’heure de travaux « à la maison ») ce qui laisse de nombreuses heures de temps libre. Les bibliothèques sont ouvertes 24 heures sur 24 et les professeurs sont disponibles pour les étudiants désireux de rattraper leur retard. Lié à une sélection des étudiants assez stricte au départ (voir notre autre article), ce système permet aux universités américaines de s’enorgueillir d’un taux d’échec inférieur à 10%. L’année est divisée en deux semestres et les étudiants peuvent décider de commencer soit en janvier, soit en août. Au bout de quatre ans, ils obtiennent un « Bachelor » (l’équivalent de notre licence) et peuvent ensuite tenter d’obtenir un « Master ». Un niveau très élevéD’un point de vue sportif, les entraînements sont très poussés. En tennis, deux coachs s’occupent à plein-temps des joueurs. Ceux-ci sont sur le court au moins deux heures par jour et suivent également un programme physique assez intense. Dans ces conditions, on se doute que le niveau est plutôt élevé. Les meilleurs joueurs américains des années 70 et 80 (Ashe, Smith, Connors, McEnroe) ont disputé ce mini-championnat. Le plus étonnant fut probablement Big Mac qui remporta le titre de champion NCAA (pour National Collegiate Athletic Association) individuel pour Stanford en 1978 alors qu’il était classé 21e à l’ATP et avait atteint les demi-finales de Wimbledon neuf mois plus tôt. Cette année là, il remporta également le championnat NCAA en double aux côtés de… Peter Fleming avec qui il gagnera plus tard quatre Wimbledon et trois US Open. Certains joueurs étrangers devenus célèbres ont également usé leurs baskets sur les campus. Mikael Pernfors, par exemple, a remporté le championnat en 84 et 85… avant d’atteindre la finale de Roland-Garros en 86. Plus récemment, James Blake a également passé un an à Harvard. Mais les Sampras, Agassi, Courier, Chang ou Roddick ont tous privilégié leur carrière internationale à leurs études, la professionnalisation du tennis ne leur permettant pas de mener les deux de front. De nombreux joueurs sont tout de même encore capables de remporter le championnat universitaire avant de faire une carrière professionnelle plus que correcte comme Amer Delic (vainqueur en 2003 et 71e à l’ATP), Benjamin Becker (vainqueur en 2004) ou John Isner (vainqueur en juin dernier et battu seulement par Andy Roddick en finale du tournoi de Washington début août). Le meilleur belge du championnat 2006/2007 fut Robert Lathouwers qui a terminé à la 38e place NCAA. En Belgique, il est classé B-15/4 mais serait probablement A national s’il disputait plus de tournoi dans nos contrées. Chez les filles, Caroline Bailly (voir interview) est notre meilleure représentante. Pour eux (et tous les autres belges), leur départ là-bas est surtout une opportunité d’obtenir un diplôme important tout en continuant à pratiquer à un haut niveau ce sport qui leur a ouvert tant de portes.
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