Gilles Elseneer a été l’un des Belges les plus en vue en cette année 2004, en tout cas jusqu’à septembre. Il a accepté de revenir avec nous sur les moments les plus forts de sa saison ainsi que sur ses débuts professionnels et son ambition pour 2005. Quel regard portes-tu sur ta saison 2004 ? Globalement, je suis satisfait. J’ai réalisé mon principal objectif qui était d’atteindre le Top 100. Je n’ai pas su m’y maintenir parce que j’étais complètement vidé en fin de saison. Après la Coupe Davis en Croatie, j’avais tout le temps mal partout, j’arrivais à peine à marcher. Je devrai certainement être plus raisonnable dans mon calendrier à l’avenir mais, à part ça, je suis très content de ma saison. Le déclic s’est-il passé dès le début de la saison avec ta victoire au Challenger d’Heilbronn ? Certainement, c’est un des plus gros Challengers de la saison. Tout le monde y est et le niveau est excellent. Gagner là-bas était vraiment important pour moi. Tu as passé un tour tant à Roland-Garros qu’à Wimbledon et tu as aussi joué un simple à enjeu pour la première fois en Coupe Davis. Quel a été ton plus beau souvenir parmi tous ceux-là ? Certainement mon match à Roland-Garros. L’ambiance était vraiment inoubliable parce que c’était le dernier match de la journée et tout le monde s’est rassemblé autour de notre court. Il y en a même qui grimpaient dans les arbres pour pouvoir assister à la fin de la rencontre. En plus, je suis revenu alors que j’étais mené deux sets à un. Gagner un match trois fois 6/1, c’est sympa. Mais là, c’est autre chose. On s’est tous les deux arrachés comme des fous. Je n’arrive d’ailleurs toujours pas à croire que j’ai battu un Espagnol sur terre. Ta fin d’année ne fut donc pas aussi heureuse, qu’est-ce qui s’est passé exactement ? As-tu joué trop de matchs ? Jouer beaucoup de match n’est pas vraiment
le problème. Ce sont tous les voyages qui sont très
fatigants. Durant ma préparation pour l’US Open, j’ai
fait quatre fois l’aller-retour jusqu’aux Etats-Unis.
Après, j’étais vraiment épuisé. Parlons un peu de tes débuts. Qui t’a donné l’envie de jouer au tennis ? Mon père (Ndlr : Gilbert Elseneer) a été
un très bon joueur puis l’entraîneur national avant
de reprendre le Royal Tennis Club de Belgique. C’est quasiment
là que je suis né. J’y passais tout mon temps,
je m’endormais avec des balles, me réveillais avec des
balles,… j’étais vraiment plongé dans le
tennis dès le plus jeune âge. Quel a été le niveau de ton père ? Il a été n° 3 belge. Il a été sélectionné comme remplaçant en Coupe Davis mais n’a jamais eu l’occasion de jouer. Ensuite, il est devenu directeur national avant la scission de la fédération. Comme il ne voulait pas travailler dans une des deux ailes régionales, il a préféré se retirer et reprendre le club. Y a-t-il d’autres sportifs dans la famille ? Pas mal oui, mon frère était vice-champion de Belgique de planche à voile. Ma sœur était très forte au tennis étant jeune mais elle a dû arrêter à 12 ans à cause d’un problème au genou. J’ai aussi deux cousines et un cousin qui sont en sélection nationale de hockey. On a une petite famille mais on aime tous beaucoup le sport. Toi-même, tu pratiquais d’autres
sports ? Quand j’étais gamin, j’ai fait un peu de tout. Du foot, du snooker, du basket, du hockey, du karaté, des échecs, de la natation,… certains à un assez haut niveau d’ailleurs mais j’ai petit à petit dû me concentrer sur le tennis. Quel était ton niveau chez les jeunes ? J’ai toujours été deuxième,
dans toutes les catégories d’âge. Au début,
Christophe Rochus était derrière moi puis il est passé
devant. C’est vraiment une coïncidence qu’on soit
toujours là aujourd’hui. Comment expliques-tu que ta progression ait ensuite été si lente ? Après mes études, j’ai quand-même voulu tenter ma chance. Mais j’avais déjà 19 ans et j’ai voulu rattraper le temps perdu sur les autres. Du coup, je jouais sans arrêt et, comme j’avais peu de points à défendre, je ne cessais de grimper au classement. Je suis très vite arrivé près de la 300e place mais à force de tirer sur la corde, de continuer à jouer même quand j’étais fatigué, mon épaule a lâché. J’ai dû m’arrêter neuf mois. Dès que j’ai eu le feu vert des médecins, j’ai recommencé mais c’était tout de même trop tôt et j’ai dû me reposer neuf mois de plus. Plus tard, j’ai encore perdu cinq mois à cause d’une douleur à la cheville. En tout, ça fait deux ans de foutu, sans compter le travail physique qu’il a fallu fournir pour revenir à chaque fois. Ce n’est que quand je n’ai plus eu de problème que j’ai pu percer. Immédiatement ? Non. Comme je n’étais plus un espoir, je pouvais oublier les wild-cards. J’ai donc dû recommencer au plus bas niveau : les qualifications de circuits satellites puis de futures. Ca n’a pas été évident. Tu as toujours été plus attiré par Wimbledon que par Roland-Garros ? Wimbledon, c’est là où le tennis
est né. Quand on y est, on ressent vraiment le poids de la
tradition. Roland-Garros, c’est plus commercial, il y a des
pubs partout. A Wimbledon, rien du tout. Et ils n’ont même
pas besoin de faire la promotion de l’évènement,
les tribunes sont pleines de toute façon. Il y a aussi le gazon
qui est vraiment parfait. Ils le coupent à la main et comptent
le nombre de brins d’herbe au mètre carré ! Ce
sont vraiment de beaux courts. Et c’est ta passion pour Wimbledon qui t’a poussé à développer un jeu d’attaque ? Non, j’ai simplement toujours eu un bon service, depuis tout petit. Du coup, j’étais plus porté à aller vers l’avant. C’est venu naturellement. La Coupe Davis, c’est un objectif pour toi ? C’est très important pour moi de jouer pour mon pays, c’est vraiment un honneur. Sur un CV aussi ça fait toujours bien même si je ne fais pas ça pour trouver des sponsors. Mon père m’a montré des tas de vidéos de grands matchs de Coupe Davis quand j’étais petit et il s’y passe toujours quelque chose d’important. Que penses-tu de la décision de Xavier Malisse de ne plus la jouer ? On en a parlé et je comprends tout à fait son point de vue. C’est vrai qu’on a pas toujours la considération qu’on mérite et pas seulement au point de vue financier. Mais moi j’aime vraiment trop cette compétition et je ne pourrais pas refuser une sélection. Tu t’entends bien avec les autres joueurs ? L’ambiance est bonne entre vous ? Oui, je m’entends bien avec chacun d’entre eux, que ce soit Xavier, Oli, Chris, Vliegen ou Dick Norman. On fait souvent les mêmes tournois et on essaye toujours de se voir un maximum. On mange ensemble, on sort ensemble, on fait vraiment tout ensemble… sauf dormir évidemment. Tu t’entraînes d’ailleurs depuis peu avec Philippe Dehaes, l’ancien coach de Vliegen et Malisse. C’est eux qui t’ont dirigé vers lui ? Pas vraiment. Je le connaissais déjà du temps où il travaillait avec eux et on est devenu ami. Il a une vision du jeu assez proche de la mienne et c’est important de bien s’entendre avec son coach parce qu’on doit passer énormément de temps ensemble sur les tournois. Et que penses-tu qu’il peut t’offrir ? Eh bien, c’est difficile d’évaluer la valeur d’un coach. S’il me permet de passer deux tours de plus à Wimbledon, ça n’a pas de prix. Mais tactiquement, on va travailler sur deux plans. Il faut que j’arrive à varier plus mes services pour arriver à gagner mes jeux plus facilement. Et puis je dois aussi apprendre à être patient du fond du court et à attendre la bonne balle pour monter. Je dois arrêter de lâcher des pains dès la seconde frappe et de jouer tout le temps des coups de poker. Quels sont tes objectifs pour 2005 ? D’abord, je ne vais pas aller en Australie.
Je ne serai pas dans le tableau final à Melbourne et je ne
veux pas commettre les même erreurs que l’an dernier.
Je vais donc travailler dur pendant cinq semaines, aussi bien le physique
que le mental et la technique.
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