En perdant vingt-huit places au dernier classement, Tomas Enqvist a, involontairement, marqué l'histoire du tennis. Depuis la création du classement mondial ( ndlr : durant l'été 73) c'est la première fois qu'il n'y a aucun joueur suédois dans les 50 premiers mondiaux. Petit aperçu de ce que fut l'épopée du tennis suédois. Bergelin, le pionnierAvant la guerre, la Suède n'avait eu que très peu d'occasions de se distinguer. Engagée pour la première fois en Coupe Davis en 1925, elle n'avait réalisé qu'une maigre demi-finale de la Zone européenne (à l'époque, les équipes étaient réparties en deux zones dont les vainqueurs se rencontraient ensuite pour avoir le droit d'affronter le tenant du titre en finale). Dès 1946, à l'initiative du jeune Lennart Bergelin, les résultats vont s'améliorer très nettement et toute une génération de très bons joueurs va apparaître. Bergelin restera le leader (il remportera 43 matchs en simple et 19 en double) mais les Torsten Johansson, Sven Davidson, Ulf Schmidt et Jan-Erik Lundquist vont permettre tour à tour à la Suède de remporter 6 fois la Zone européenne et d'atteindre la finale à 6 autres reprises jusqu'en 64. A l'époque, il s'agissait du meilleur pays européen, devant la France, la Tchécoslovaquie, l'Italie et l'Espagne. Malheureusement, ils n'atteignirent jamais la finale, barrés à chaque fois par l'Australie et les Etats-Unis qui dominaient largement le tennis d'après-guerre. Borg en exempleDe 1965 à 1972, la Suède est dans le creux de la vague et ne parvient plus à sortir de joueurs talentueux. C'est cette année là que Bergelin (retraité du circuit depuis une quinzaine d'année) refait parler de lui en présentant un joueur de 16 ans qu'il s'est juré d'amener au top. Il s'appelle Björn Borg. Personne ne le sait encore mais il va marquer l'histoire du tennis. Borg sera le premier Suédois à inscrire son nom au palmarès de simple d'un tournoi du Grand Chelem. Ce sera à Roland-Garros en 1974 alors qu'il n'a pas encore 18 ans. Jusqu'en 1981, il remportera encore 5 fois ce tournoi et également 5 fois Wimbledon (dont trois doublés de 78 à 80!) et même ses quatres échecs en finale de l'US Open n'empêcheront pas les autres joueurs de l'époque de le considérer comme presque invincible. Il permettra à la Suède de remporter son premier saladier d'argent en 1975 (avec Birger Andersson et le spécialiste de double Ove Bengtson) mais ce sera le seul en raison du niveau plutôt moyen de ses compatriotes. Son jeu de fond de court incassable et son impassibilité lui vaudront le surnom d'IceBorg. Mais la glace se brisa après ses échecs en finale à Wimbledon et à l'US Open en 1981. Très touché par ces échecs et ayant des problèmes dans sa vie personnelle, il décida de se retirer l'année suivante alors qu'il n'avait que 26 ans. Wilander, Edberg et les autresA peine le maître parti, il se retrouve remplacé. Mats Wilander bat son record de précocité en remportant Roland-Garros en 1982 alors qu'il a quelques mois de moins que Borg en 1974. C'est le début de l'âge d'or pour le tennis suédois. Une flopée de clones de Borg au jeu de fond de court irréprochable vont marquer les années 80. Les Sundström, Nyström, Carlsson, Pernfors, Svensson et Gunnarsson, vont, à l'instar des Espagnols aujourd'hui, truster les tournois sur terre-battue. Il y aura heureusement deux joueurs de service-volée, Anders Jarryd et surtout Stefan Edberg pour assurer une représentation suédoise sur les surfaces les plus rapides. A cette époque, le tennis suédois domine la scène mondiale. De 1985 à 1994, les Grands Chelems où aucun représentant de ce pays n'est présent au stade des quarts de finale se comptent sur les doigts d'une main (il y en aura 3 en fait :Wimbledon 86 et l'US Open 89 et 90). Wilander remportera en tout 7 titres du Grand Chelem et Edberg 6. L'apogée aura lieu en 1988 où ils se partageront les 4 tournois. En Coupe Davis, une telle abondance de bien ne peut nuire et le pays atteindra 7 fois consécutivement la finale du groupe mondial de 1983 à 1989 et la remportera à trois reprise (84, 85, 87). Rien ne semble pouvoir les arrêter. D'autant que la décénie suivante continuera sur un rythme à peine moins soutenu. Edberg poursuivra sa carrière jusqu'en 96 et sera bien épaulé par les Gustafsson, Larsson, Bjorkman, Enqvist, Johansson et Norman. Si le dernier titre du Grand Chelem est remporté par Edberg à l'US Open 92, ces joueurs atteindront tout de même régulièrement les quarts de finale. En Coupe Davis, les résultats ne baisseront pas puisque la Suède sera demi-finaliste chaque année de 92 à 98 (avec des victoires en 94, 97 et 98). Le déclinDepuis cette dernière victoire, le déclin est très net. La très bonne saison de Norman en 2000 et la victoire de Johansson à l'Open d'Australie 2002 ont quelque peu masqué les problèmes. En 2002, trois tournois furent remportés par des Suédois. Une autre finale et trois autres demi-finales furent atteintes. A titre de comparaison, 15 ans avant (1987), en plein âge d'or, ils remportaient 18 titres, atteignaient 14 autres finales et 23 autres demi-finales! Depuis 1999, la Suède n'a plus dépassé les quarts de finale en Coupe Davis. Les résultats en Grand Chelems sont aussi des plus catastrophiques. Sur les 4 derniers "Majors", les meilleurs résultats sont un troisième tour de Enqvist à l'US Open et un autre de Vinciguerra au dernier Open d'Australie alors qu'aucun Suédois n'a dépassé le deuxième tour à Roland-Garros et Wimbledon. Une misère. Le classement s'en ressent aussi. En 1987, ils étaient 2 dans les cinq premiers, 5 dans le top 20, 10 dans le top 50 et 13 dans le top 100. Ils avaient en outre tout l'avenir devant eux puisque le plus âgé, Anders Jarryd, n'avait que 26 ans. Aujourd'hui il n'y a plus un seul Suédois dans les 50 premiers et seulement trois dans le top 100... et ils ont tous plus de 28 ans ! La relève ?Andreas Vinciguerra incarnait la relève mais de nombreuses blessures l'ont empêché de progresser. Chez les juniors, seuls Robin Soderling, 18 ans et déjà 165e mondial, semble en mesure de réaliser une belle carrière. Mais le mal est plus profond. Le nombre de tournois organisés en Suède diminue chaque année et les clubs n'enregistrent plus de progressions dans les inscriptions. Pourtant, le prochain Borg est peut-être là-bas. Une disparition quasiment totale des joueurs suédois serait vraiment dommageable tant ils ont apporté une image de combativité sans faille et de fair-play constant (pour presque tous) à ce sport qui en a tant besoin. |